Reconstruire : mode d’emploi
Comment reconstruire ? Drafter son QB d’abord ou drafter l’équipe qui ira autour ?
Chaque année, on nous parle de reconstruction. On voit des équipes qui sont en perpétuelle reconstruction. Mais concrètement, y a-t-il une « bonne » recette de reconstruction ? J’ai essayé d’étayer les différentes stratégies, bonnes comme mauvaises. Cela vous permettra de comprendre également la stratégie de votre équipe préférée dans une semaine.
Mike Tyson disait que tout le monde a toujours un plan jusqu’à ce qu’il prenne un coup.
À quoi sert la draft ?
La draft sert à donner une base de roster, composée de joueurs à fort potentiel ou d’une bonne qualité. Cette base servira pour le futur et permettra à la free agency d’apporter les pièces manquantes à l’effectif qui ont été identifiées durant la saison. Ainsi, si on était en NBA, ce serait parfait parce que la draft intervient avant la free agency. En 2020-2021, la draft était le 18 novembre et la free agency deux jours après. En NFL, la free agency intervient avant la draft et pourtant beaucoup font l’écueil de repêcher pour combler les trous béants laissés par la free agency. Donc, la draft ne doit concerner que le futur. Le repêchage doit anticiper les besoins futurs, les postes où on croit avoir un déséquilibre en termes quantitatif, financier ou qualitatif. Draft for tomorrow, not for today.
Ici, résident tous les désaccords à l’approche de la draft. Prenons par exemple, la draft 2002 des Eagles d’Andy Reid. Dans les cent premiers choix, les postes repêchés étaient exclusivement dans le backfield défensif alors plus qu’étoffé. Ce n’est qu’après coup, quelques années après, que cette stratégie se soit avérée la plus judicieuse puisque Reid a su anticiper le déclin de ses joueurs vieillissants dans le backfield défensif.
Que faut-il faire en premier lieu ?
La toute première des choses à faire est d’évaluer ce que vous avez à la position la plus importante du sport : le quarterback. Prenons exemple des Broncos en 2020 : Jeudy (1er tour) , Hamler (2ème tour), Cushenberry (3ème tour), Okwuegbunam (5ème tour), Cleveland (7ème tour). Je n’ai pas cité les joueurs défensifs repêchés à dessein. Après une saison avec un jeune QB avec un bilan de 4-1, avec Drew Lock, le front office de Denver a pensé posséder son QB et a drafté son attaque du futur. Cela aurait été autrement si Lock avait eu l’aperçu de la saison 2020. Voici pourquoi il est important de savoir ce que l’on a, au risque de stagner. Cela dit, avoir repêché son Hall-of-Famer QB ne garantit pas le succès.
Les Colts ont repêché Peyton Manning et Andrew Luck en 13 ans et pourtant, ils ne sortent qu’avec un Super Bowl avec deux des plus talentueux QB. Vous me direz c’est plus facile de repêcher un très bon QB en première position. Alors, oui mais il existe des exceptions. Personne n’est condamné à perdre en ayant repêché ailleurs qu’en first overall. Vous devez simplement trouver le « bon » quarterback. C’est plus difficile certes, mais faisable. Il faut matcher la personnalité (Josh Rosen), les outils, les forces et faiblesses et les éléments non coachables (taille, physique, leadership) avec les besoins du coaching staff. Quel que soit le tour, il faut que ce match soit parfait. L’idéal est de drafter chaque année un QB en jour 3 et si l’opportunité s’offre, repêcher tout en haut ou se donner les moyens de le faire pour récupérer son titulaire pour une décennie. Pourquoi en prendre un chaque année en jour 3 ? Tout simplement parce que le poste de QB backup devient le nerf de la guerre. Il est presque aussi important qu’un deuxième bon pass catcher. Puisque quand le titulaire tombe, il peut prendre la relève et surtout, il ne coûte rien. S’il ne matche pas, il finit en dehors de la ligue et s’il matche, il peut devenir le prochain Jimmy Garoppolo, celui pour qui une équipe va monter un gros échange.
La chasse du QB adverse
Après avoir trouvé son QB, il faut avoir son pass rusher. Il y a un demi-siècle, ça se résumait à la bataille des tranchées, aujourd’hui c’est toujours vrai mais une mise à jour. Ainsi, il devient par défaut important de protéger son QB. Ce qui s’apparente à l’étape 3 dans la phase de reconstruction. Protéger le QB avec le moins de joueurs possibles afin d’ouvrir le cahier de jeux et étirer le terrain, attaquer le QB avec le moins de joueurs possibles afin d’assigner les linebackers et safeties en couverture.
Concernant le pass rush, il faut d’abord trouver la perle rare en DT car ceux-là affrontent les centres, le centre de la ligne qui n’a pas souvent les joueurs les mieux payés de la ligne (et de la ligue). De plus, le chemin le plus court est aller tout droit.
Ensuite, il faut les edge-rushers. Le modèle à suivre ici est Seattle qui a ajouté Cliff Avril, Michael Bennett à un front seven qui possédait déjà Bruce Irvin notamment. Si vous avez peu de ressources, ne négligez pas cet aspect car le talent de se défaire de blocks peut être une excellente chose pour les unités spéciales.
Protéger le QB
Protéger le QB avec le moins de personnes possibles. Drafter un left tackle sur une ligne très mauvaise en espérant qu’il arrête la multitude est une utopie. Prenons les Lions. Ils ont coupé leur RT qui parti chez le rival et qui a été plus qu’honorable dans la meilleure ligne offensive du pays. Les Buccaneers ont drafté un excellent tackle qu’ils ont mis à droite et avec la ligne déjà bonne qu’ils avaient, ils ont tout simplement barré la concurrence et a été un grand artisan dans le titre numéro deux de la ville. Cependant, la question se pose pour les Bengals qui ont perdu leur QB first overall sur blessure. Un LT élite ? Un WR élite ? La réponse se trouve dans le paragraphe précédent. Drafter Penei Sewell ne résoudra pas les soucis de l’OL de Cincinnati.
Les Bengals ont complètement ignoré la position à la free agency, voici la ligne partante à l’instant T : Jonah Williams (abonné aux blessures mais en 2020, 3 sacks autorisés, 20 pressions autorisées), Michael Jordan (3 sacks autorisés, 35 pressions autorisées et un PFF grade en pass pro à 41), Billy Price (Pass pro PFF grade de 29), Xavier Su’a-Filo (de bonnes notes mais à peine 300 snaps joués) et Riley Reiff (LT avec les Vikings, 1 sack autorisé, 21 pressions).
Globalement, la ligne est mauvaise et si on estime que Sewell vient remplacer Jonah Williams, je ne suis pas certain que les coachs adverses n’attaqueront pas le côté droit de la ligne avec insistance. Tout LT aussi excellent soit-il ne peut arrêter une horde de pass rushers. Pour moi, il faut continuer de drafter de meilleurs gardes et centres : trade up avec le choix du deuxième tour en fin de premier tour pour récupérer Creed Humphrey et y ajouter Aaron Banks (par exemple) en fin de draft. Le gap entre WR1 WR2 (DeVonta Smith) est plus grand que celui entre le OT1 OT2 (Christian Darrisaw).
Donner des armes à ton QB
Il faut trouver des playmakers, des leaders, joueurs avec une très personnalité. Quand tes meilleurs joueurs sont ceux qui bossent le plus, tu as tout gagné. Ces leaders doivent avoir des outils NFL. Tu dois prendre un joueur qui obligera l’adversaire à changer son plan de jeu. Seattle ne regrettera jamais d’avoir préféré prendre D.K. Metcalf au lieu d’un garde ou tackle (qu’ils auraient déjà dû repêcher ou signer via FA) puisqu’aujourd’hui, les équipes s’ajustent pour ne pas avoir à choisir leur poison. C’est ce que je ferais avec Cincinnati. Tyler Boyd, Tee Higgins sont de très bons mecs qui rendront des services – tous les deux sortent d’une saison à 900+ yards – toutefois, les Bengals faisaient peur avec A.J. Green, Chad Ochocinco. Ils doivent repêcher Ja’Marr Chase pour que les DB ne sachent pas qui couvrir en priorité tout en élevant le niveau moyen de la ligne offensive, au lieu de prendre Sewell qui ne fera que repousser le problème de l’autre côté de la ligne tout en laissant Boyd et Higgins chercher à créer de la séparation – si tant est que les Bengals repêchent un mec du même acabit que les précités en la personne d’Elijah Moore, Dyami Brown, Tylan Wallace qui n’ont pas encore l’étoffe d’un WR1 en puissance d’une franchise NFL.
Best Player Available
Parfois, il est obligatoire de prendre le meilleur joueur disponible. Il ne faut pas être obsédé par les besoins – relire le premier paragraphe. Quand un joueur que vous estimiez hors de portée, atterrit dans vos mains, ne le laissez pas glisser ! Vous avez un besoin de pass rush mais vous avez Rashawn Slater ou Alijah Vera-Tucker disponibles, non vous ne laissez pas passer pour repêcher un Jayson Oweh parce qu’il répond à vos besoins.
Les Broncos en 2020 ne cherchaient pas spécialement un receveur numéro 1 et ont vu Jerry Jeudy leur tomber entre les mains, ils ont gardé le choix et l’ont repêché. Les évènements ont montré qu’ils ont fait le bon choix.
Bonus : QB ou roster ?
Brandon Beane a avoué qu’il ne pensait pas le roster 2017 des Bills prêts à accueillir un QB et ont accepté le deal avec les Chiefs. Ce fameux deal qui permet la sélection de Patrick Mahomes. Heureusement que Josh Allen a réussi en 2020, sinon les Bills auraient été à jamais l’équipe qui a préféré ne pas prendre Patrick Mahomes – ou Deshaun Watson – quand l’opportunité s’est présentée. Ceci dit, c’est un procès mal intentionné car personne ne savait ce que serait Mahomes au moment de cette draft.
Ainsi, j’aurais plutôt tendance à construire un minimum l’équipe, préparer le terrain – recruter ou drafter le milieu de la ligne – chercher un receveur numéro 1 avant de tourner mon regard sur le QB. Quand on voit le sort de Sam Darnold – nonobstant son niveau sur le terrain – n’avait pas de go-to-receiver et le repêchage de sa protection n’est intervenu que trop tard. Puisqu’en effet, quand vous prenez votre QB du futur à la draft, vous lancez le compte à rebours. 5 ans pour construire le meilleur effectif pour aller chercher les playoffs, plus si affinités. On l’a vu avec les Eagles, les Chiefs.
Je le rappelle, il n’y a pas de recette miracle pour reconstruire mais il y a au moins une ébauche de plan pour y parvenir.
Sources : Sports Illustrated, The Bleacher Report, The Draft Network, NFL Network.